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Amman, capitale du pays
Dans le bus d’étudiants qui nous mène a Talifa, le vieux chauffeur s’arrache les cheveux à essayer de classer les jeunes sur les sièges. Les bleus avec les bleus, les roses avec les roses. À chaque nouvelle personne qui monte, c’est le bordel. Malgré tout ses efforts, les visages maquillés, et les mèches de cheveux qui dépassent des voiles, attirent l’œil des garçons pourtant bien groupés à l’avant du minibus.
 
Les femmes sont comme des fantômes, muettes et ensevelies. Le mâle en jupe longue est partout. Un peu trop partout. C’est lui qui est sur le devant de la scène. Boulanger, cuisinier, chauffeurs, bergers, aucun métiers ne semble pouvoir s’écrire au féminin. Testostérone au pouvoir.
 
Un type marche sous 240 degrés avec une veste en cuir, deux pulls et 3 dents. Il nous propose un thé au milieu de nul part. De son sac plastique, il sort une théière et 1kg de sucre. Il ramasse deux trois branches, vestiges du temps où les arbres existaient encore dans ce tas de pierre géant. Puis allume en feu en plein vent et y pose sa théière flambante neuve. Le thé fumant fait fondre le cul de la bouteille en plastique qui me fait office de tasse. Délicieuse infusion de plastoc. Le type s’allume un petit pétard du jardin en passant. Il faut dire que le moment s’y prête. Tout ça est bien typique mais ne vaux pas la brochette d’écureuil marocaine de notre premier voyage. Ma’asalama, Mohammed a encore deux heures de marche et une vingtaine de pauses thé pour rentrer à la maison. A t-il fait 4h de marche A/R juste pour acheter 1kg de sucre, une théière en inox et 200g de thé ? Le mystère restera entier, notre répertoire se limitant aux mots poulet, café, falafel et bus.
 
Aboubaka nous sert comme des princes. Cela en devient presque dérangeant. Aboubaka est yéménite, et il traine sous ses sandales qu’il déplace d’un pas toujours hâtif, une vie trop lourde. A 32 ans il a laissé sa femme et ses deux enfants au pays, et sûrement toute une famille avec eux. Il est partit, tel un éclaireur, en quête d’un avenir meilleur, qu’il ne trouvera sûrement jamais. Son entêtement pour la France fend le cœur.
Quand on ouvre l’œil, à chaque coins de ce pays on voit un exilé, déraciné au milieu du désert. Triste monde. Tous rêve de l’Europe. J’ai honte. La Jordanie est entourée de pays en guerre, bordées par les plus grand camps de migrants au monde. Entre ses déserts des gens patientent que leurs vie puissent enfin reprendre. Parfois ce pays à comme une odeur de fin du monde. L’homme fuit les guerres en se réfugiant dans le pays le plus pauvre en eau du monde.
Site de Petra
Petra, la cité pas tant perdue.
C’est un étroit couloir coloré de milles et une nuances de roses, aux courbes dansantes, qui mène à la cité millénaire. Transportés lentement vers le passé, le cœur palpitant d’impatiente comme celui d’un enfant, nos pas débouchent enfin sur le monument principal, celui de toutes les photos, et là… c’est la foire.
 
Retour brutal au monde moderne. Le grand spectacle de l’homos-touristicus. Les influenceuses en tenue de gala s’entassent entre les dromadaires et autres fantaisies pour feignants. Les petites gens, un peu trop euphoriques, à la vue de l’animal du désert, en oublie que la chose est vivante. Ils enchaînent les selfies de grande qualité avec la pauvre bête. S’ajoute à cela les bédouins, qui, en boucle, vous invite à venir dans les hauteurs, brandissant l’image d’une ifluenceuse-bombasse-d’Instagram sur le fameux-point-de-vue-à-photo. Moyennant une jolie somme, l’entrée (pas si secrète) est à vous.
Passée l’étape photo, (qui peux vous absorber plusieurs minutes dans un autre univers) l’incroyable cité vieille de 2000 ans, logée au creux des sommets rocailleux, s’offre généreusement au visiteur. Une mégalopole s’étalant sur des kilomètres à la ronde, nécessitant plusieurs jours pour la visiter. Un vrai trip qui nous transporte de notre chambre d’hôtel (après quelques kilomètres de marches) à l’empire démentiel des Nabathèens. 
 
De jeunes Jack Sparrow du désert, montés sur leurs ânes, trottinent dans la montagne à la recherche d’un touriste trop feignant à secourir contre une belle liasse de billets. Pendant ce temps, d’autre jouent du pipeaux (plutôt mélodieusement) devant leurs boutiques pour attirer le vieux blanc, enivrer par tant de folklore. Chameaux, chevaux et ânes tentent parfois une grève en se barrant à toute berzingue dans le site. Il faut dire que leurs conditions de travail sont restées les mêmes qu’il y a 2000 ans. 
Il n’y a que les chèvres, au faciès préhistorique flippant, qui semblent vivre leur meilleur vie. La langue collée, sur un délicieux cailloux un peu salé, ou chiant généreusement dans le tombeau du roi. L’espèce semble régner en maître (par le nombre, je vous rassure) sur le site, et aucun recoins ne leur est inconnu.
Les invitations “ to have dinner tonight in my cave” foisonnent, mais il faudrait travailler un peu la présentation pour ne pas passer pour un dégénéré. Il faut imaginer Jack Sparrow, et son âne donc, qui après un air oriental de flûte, vous invite  à manger un poulet et à faire un feu, dans sa grotte. 
Comme dans tous lieu du monde confronté à l’arrivée soudaine et massive de touristes, les enfants courent pieds nus pour vous demander en boucle un “bisqit”, ou pour les plus studieux un “pen”, et allant rapidement jusqu’au billet, qui vaut l’esquivaient d’1€10 l’unité quand même. 
 
En descendant vers le sud, c’est une Jordanie organisée pour le tourisme ultra encadré, où le blanc lâche des sommes pharamineuses pour voyager. Les prix explosent, et les bédouins-malins ont savamment organisés leur business. Pas de concurrence, c’est le prix à payer mon vieux, et personne ne le descendra pour avoir le touriste. Terminée l’honnêteté, les yeux se baissent et trahissent le mensonge. C’est le jeu. Il fait juste un peu plus mal à l’arrière train quand tu es au courant. 
 
Sous l’incroyable beauté naturelle et historique du site, se cachent pourtant les habituels points noirs liés au tourisme de masse et à la brusque modernisation des modes de vies.
Les folkloriques bédouins, passé 17h, galopent comme des gangsters, rap à fond de balle sur leurs ânes et dromadaires. Ces messieurs ne paraissent pas tant que ça s’épanouir dans leur nouvelle vie d’animaux de foire, et de vendeur d’objet type quinquillarie Gifi orientale. Étonnant non ? Le grand peuple de nomade du désert fut invité à quitter leurs petites grottes cosy pour rejoindre un charmant village de caractère 100% béton en bordure de Petra afin d’ouvrir le site au touriste du monde entier. Enfin bon, Petra tout de même sacrément amazing, et sous toutes les coutures. 
Desert de Wadi Rum

Wadi Rum.

On pourrait croire que c’est un enfant de 6 ans qui a construit ce village. Dans les ruelles de sables, traînent des roues, et des alternateurs usés, mais aussi des carcasses de 4×4, et des déchets en tout genre. Des enfants pour la plupart sans godillons, jouent au football entre les dromadaire sur un terrain emmuré de parpaings. C’est étrange, jamais une photos de ce village n’est passé sur mon écran lors de mes recherches. Un bon gros bordel digne de mecs qui n’ont jamais vécu entre 4 murs, juste à l’entrée de la carte postale la plus instagramée du pays. Le bédouin ne semble pas vraiment dans la finition. Passé le village, c’est l’autoroute des tours à touristes. Difficile de passer une moment seul dans ce désert grandiose, un lieu magique, car selon les dire de notre hôte, les 4×4 y consommerait 1L au kilomètre… Ceci expliquant les prix démentiels pratiqués dans ce bijou naturel décoré de béton et de déchets plastique.

Vue sur la mer morte depuis les hauteurs
Mer morte
Un vieux traverse la nuit tranquillement, sur le dos de son âne. Ses jambes traînent presque par terre. Une meute de chiens le suit en aboyant.
 
Les hommes regardent mes chevilles comme ils materaient un cul. Leo me dit que je devrais peut être mettre le voile.

Aqaba les pattes

Les cafards traversent la chambre d’hôtel. Léo me dit qu’il a nettoyé la cuvette des chiottes avec ses chaussettes et du savon et qu’on montera la tente sur le lit.

Les regards vicieux se délectent du moindre morceau de peau, jugent sans avoir besoin dire un mot. Nous, peaux blanches, devenons zoo humain. Il est trop difficile de résister à l’eau cristalline et au doux rayon du soleil. Leurs règles, suivies du mieux possible dans le reste du pays, tombent brutalement à l’eau (de mer) à la vue de l’entendue salée. Alors les paires d’épaules dénudées font l’effet d’un film porno. La gente masculine, de tout âge, fixe bêtement, sans éprouver la moindre gêne. Les mains traînent, et frôlent inopinément une cheville ou un bras. Le fossé se creuse entre deux sociétés. La colère monte. Ici plus que partout ailleurs, le contraste est si fort, qu’il est impossible de ne pas comprendre le pitoyable statue de ces dames. La femme habituellement emmurée et ensevelie sous le tissus noir, maintenant dévoilée en publique fait le même effet qu’une espèce animale rare dans un zoo. Alors on charge ses yeux de toute la haine qu’un regard peut contenir pour se défendre poliment. J’ai le même statut que toi et ta paire de couilles.

Aqaba, Mer rouge

Il faut le dire, la Jordanie, c’est très beau, il n’y a pas de doute sur ce point. Mais, peut-être que ce sera la goutte qui fera déborder le vase. Il devient de plus en plus difficile de voyager simplement sans prendre les routes ravagées du tourisme. Tout est buisness, tout est argent. Le monde semble être devenu un parc d’attraction géant. L’échange honnête et désintéressé est laborieux voir, impossible. Même le stop dans ce pays coute cher. Et puis, on ne va pas se mentir, il y a un réel choc des cultures. Nous ne vivons pas dans les mêmes mondes, et cela il faudra plus d’un mois de voyage pour en maitriser toutes les facettes. Je ne sais que penser de ce voyage. Nombreux sont les sujets qui nous aurons bousculé, comme celui de la condition féminine, ou ce tourisme accéléré d’ultra consommation qui écrase tout sur son passage, mais surtout cette vision d’un pays où tout à commencé, mais où tout se terminera aussi. Ce voyage était inattendu, voilà.

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