
Amritsar et le temple d'or
Demain est un autre jour.
L’arrivée fût compliquée, de celles qui te ruine une étape. Des bus en veux tu en voilà, des heures de trajets pour quelques kilomètres et puis, soudain, retour dans les monstres urbains indiens. Un hôtel fermé, un deuxième complet, un troisième crado. On passe entre les mains de plusieurs rabatteurs qui nous promettent toujours une herbe plus verte que chez le voisin. Impossible de faire trois pas sans que quelqu’un nous colle aux baskets pour nous proposer son «aide». Il est tard, on est fatigués et surtout affamés. Pour en finir avec cette histoire on baisse finalement les bras sur une chambre glauque, sans fenêtre, sale, et à prix pigeon. Le resto lui est dans la même lignée. On se couche. Demain est un autre jour.
Les Sicks c’est chic
Nous avons changé d’hôtel, de restaurant et d’humeur puis nous avons quelque peu arpenté la ville, mais ce qui a bu toute notre attention c’est le temple d’or et ses milliers de pèlerins nu pied.
Le temple est le lieu sacré de la religion Sick. Des grands et bedonnants gaillards, turban sur la tête, arborant souvent les lunettes des aviateurs des années soixante, et un sabre. Ouais en Inde on ne se déguise jamais a moitié. Les Sicks sont souvent chics. Ils dénotent au milieu des foules d’hindous. En plus de cela, ils ont la réputation d’être honnêtes (ne s’applique pas au chauffeurs de tuk-tuk).
Temple sacré
Pour arriver au temple sacré il faut faire une queue interminable dans une cohue humaine (3h d’attente pour être exact). Et une fois emmanché dans le bouchon de chairs se rendant au lieu sacré, difficile de changer d’avis. Alors on attend. On a même plus envie de le visiter ce temple, on pense juste à sortir de cet amas humain. Finalement nous voilà à la porte d’entrée. C’est beau. Tout est couvert d’or. Il y a des musiciens, des gurus qui chantent, des pèlerins s’agglutinent par centaines, ils prient dans tous les coins illuminés de la lumière dorée des murs d’or. Le sol est couvert de tapis, et le temple miroite, baigné au milieu de l’eau. L’ambiance est magique. On oublie les heures d’attente. Des millions de pèlerins parcours les dalles immaculées de ce lieu à l’architecture somptueuse, certains s’immergent dans les eaux sacrées. C’est un spectacle à voir, c’est certain.
Sorti de ce lieu hors du temps, c’est le monde moderne qui nous met une claque. Réveille toi. Amritsar a le volume sonore d’une vieille radio grésillante poussée au maximum et collée à ton oreille. Rabatteurs en tout genre, obsession indienne pour la photo de blanc (a quand les autographes?) circulation massive et klaxons ininterrompus, les sollicitations sont constantes et épuisantes. Ça y est. Après un mois et demi je comprend pourquoi on m’a tant dit «L’Inde est un pays qui énerve». L’intimité ici n’est pas dans le dictionnaire. En Inde on partage tout.








Rajasthan: la beauté épuisante
Bikaner, Udaipur et cie
Une terrible rechute de mon intestin me clouera plusieurs jours au lit, ce qui n’étoffera pas vraiment ce récit. Être malade au Rajasthan pourtant, c’est tout une histoire. Dans les rues jonchées de merde en tout genre s’entassent des poubelles déversées là comme au moyen âge. Pendant qu’une vache se désaltère dans un caniveau puant, un chien mange une couche usagée, ou un serviette hygiénique selon le menu du jour. Dans cette déchèterie urbaine, des enfants jouent pieds pendant qu’une femme pisse sous sa jupe au milieu des bus. Dans ce capharnaüm nous poussons aussi les portes de somptueux palais étalant une luxure d’un autre temps. Entre deux hauts le cœurs, je trouve encore quelques forces pour envoyer des éclairs avec mes yeux aux trois derniers indiens en 10min qui nous réclament autoritairement un selfie. Un chameau immense passe en courant dans la rue bondée de moteurs, attelé d’une charrette. J’ai l’impression d’évoluer dans un Mad max à ciel ouvert. Une tablette d’antibiotiques orange fluo plus loin, je retrouve le plaisir de faire abstraction. L’Inde est capable des plus grand charme sur vos esprits aussi bien qu’elle peut vous révulser en un clin d’œil. Heureusement, nous partons pour Udaipur, lieu où l’aseptisation touristique nous accordera quelques jours pour s’essayer au voyage du type « vacances de deux semaines au Rajasthan ». Shopping, restaurants occidentalisés sur des ruelles où le nombre de merde a drastiquement diminué, nous permettrons de jouir des plaisirs de l’Inde des magasines. Pour tout vous dire, il n’y a même pas de détritus dans les rues du centre ville, et personne ne pisse contre les murs.













L’Inde n’a peur de rien.
Tous le monde vous dira que l’Inde est un des plus grand choc culturel. Au début je n’ai pas compris ce truc, ni approuvé. Mais plus l’Himalaya s’est éloigné, plus le fossé s’est creusé.
Ce pays, en voie de devenir une des plus grosse puissance mondiale, fascine de raffinement autant qu’il angoisse de grossièreté. Et je pense que plus les années passeront plus la modernité sans fois ni lois de cette terre révulsera. On arrive en Inde avec nos cerveaux frais et alerte, on repart les poumons chargés d’un lourd brouillard et la tête reprogrammée.
Où va le monde ?
Comment un pays aussi peuplé et puissant peut-il être si aveugle sur son rôle ? On a la vague impression que la planète explosera d’une minute à l’autre si ce territoire (et ses voisins d’ailleurs) ne change pas.
Finalement ce n’est pas l’Inde qui choque mais plutôt ses dirigeants qui semblent désinformer totalement leur peuple et l’empoisonner en même temps. Ce ne sera pas tant la misère ou la maladie qui nous aura marqué. Non. Elle nous aura plutôt montré que l’être humain est capable de s’adapter à tant de situations. Le plus gros choc restera le désastre environnemental qui s’annonce.
Ce voyage aura finalement était une loupe sur l’état du monde et de sa géopolitique. Celle là même qui nous emmène droit dans un mur couvert de pisse parce que les gens n’ont pas de quoi se payer des toilettes publics.
On se sent désolé qu’un tel endroit aie oublié de préserver ses merveilles au détriment d’une course effrénée à la fortune et à la haine. Rares sont les lieux sur cette planète qui produisent un tel effet.
J’ai pourtant adoré ce voyage. Je retournerai en Inde. Parce que ce périple a stimulé comme jamais mes sens et mon esprit, parce que l’Inde pousse à réfléchir sur tellement de sujets.
Je souhaite à tous le monde de perdre du temps dans sa vie à aller voyager dans ces vieux bus pourris qui quadrupleront le temps de trajets, d’avoir peur et de se demander pourquoi, de tomber malade alors qu’à côté des enfants résistent a des bactéries qui vous écrase en un clin d’œil, de voir à quoi servent des normes environnementales. Je souhaite à tous le monde d’aller voyager un Inde au moins une fois dans sa vie.
L’Inde agit comme une séance d’hypnose, elle vous décentre et vous aide à regarder le monde autrement.