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Il pleut. Les essuies-glaces balaient énergiquement le pare-brise du taxi. Dans la nuit, les phares des voitures se fraient tant bien que mal un chemin entre les trombes d’eau. Le chauffeur éteint la lumière intérieure du véhicule pour nous laisser apprécier l’incroyable étendue d’eau autour de nous. Souvenir embrumé de l’histoire de la ville, quand Mexico n’était qu’un lac, aujourd’hui totalement recouvert par la trépidante capitale.
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Mixquic est une petite ville, à quelques 60 kilomètres du centre de l’agglomération. Ce village de paysans n’ouvre ses portes aux visiteurs qu’une fois dans l’année, lors du grand Dia de Muertos.
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Le chauffeur nous dépose à l’entrée du village, les rues sont désertes, moites, et lugubres. Quelques jeunes alcoolisés traînent. La pluie dégringole maintenant en fines gouttes. Au bout de la ruelle, sous de grandes bâches, des odeurs alléchantes s’échappent de l’effervescence, je m’engage dans la foule humide le cœur battant d’excitation. Un peu plus loin, après avoir bravé les échoppes surpeuplées, le cimetière croule sous les fleurs fraîches, se mélange l’odeur du jasmin qui borde l’église, et le parfum du copal brûlant sur les tombes. De fines gouttes de pluie enchantent mystiquement la scène, les chants de l’église flottent dans l’air, rythmés par le son monotone de la grosse cloche qui retentit à travers la nuit. De temps à autre, un éclair majestueux illumine le ciel sombre.
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Mon gobelet d’atole brulant réchauffe mon corps frissonnant. Le goût crémeux de ce liquide sucré à base de céréales me rappelle quelque chose de mon enfance. Après un abondant repas composé de tortillas, tacos, viande, fromage et de nopals (littéralement du cactus cuisiné), nous nous affalons, euphorique, dans le taxi. Le pare-brise est fissuré, le bas de caisse frotte dangereusement à chaque dos d’âne.
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Je sens l’odeur sucrée du marché dans mes cheveux, la pluie a cessé. Dans la pénombre j’aperçois les montagnes dominant cette étrange étendue d’eau noire. La gigantesque ville de Mexico se dessine au loin, scintillante de lumière qui s’engouffre sur des kilomètres à la ronde. Le goût mielleux et chaud du pain acheté avant de partir envahi langoureusement mon palais avide. Comment ne pas s’éprendre de ce pays ?
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Découvre mes photos instagram de cette grande fête mexicaine, publié sur Le Guardian : C’est ici
Article du
22 novembre 2016