Covoiturage

Paris, Porte de saint Cloud.

lignesJe fonce dans le premier café que je vois en sortant du métro. J’ai la vessie qui va éclater. Je commande un café à 2,90€ qui me reste en travers de la gorge. Paris. Le temps est gris.

Ce gris sale, ce gris froid du nord. À ma droite des groupes d’hommes d’affaires sirotant des flûtes de champagne, réclamant des factures, de l’autre côté de petites gens qui commandent leurs cafés au comptoirs et lisent paisiblement le journal.

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Je remplace le numéro de B. par son prénom dans mon téléphone. Une heure de trajet peut transformer un simple numéro de téléphone en une personne avec son passé, son avenir, sa famille, sa vie. Le huis clos de la voiture te pousse finalement à aller à l’essentiel, à tirer le maximum de ces brefs échanges.

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B. est sénégalais, et je retrouve en lui toute une culture. En écoutant ses histoires je comprends ce fossé culturel entre ses origines et la France. B. navigue dans la vie via ses rencontres, crée des liens qui le font avancer. Il vit dans le monde réel, dans un monde d’échanges vivant. Pas d’histoire de bouts de papiers officiels,  de parcours scolaire sans faute. Il s’enflamme sur des projets, il monte des petits business. Ces gens ont une énergie folle, l’énergie de l’expatriation. Ici, pour lui, tout est possible. Traverser l’océan et quitter sa famille à 16 ans pour vivre le rêve français demande un certain courage. Un courage qui se transforme en force de réussir au fil des années. Je sens à travers lui le malaise de ces expatriés d’Afrique, une certaine peur, un mal-être de l’intégration, des préjugés. Est-ce le climat français ou est-ce sa personnalité ? On dirait qu’il se sent rejeté, qu’il ne veut surtout pas déranger la France.
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Il fait froid. J’attends mon second covoiturage. Je lui envoie un message, “je suis devant l’église à porte de saint-Cloud”. Elle ne peut pas me rater. Si, elle m’a raté. Elle tourne, ne sait pas où elle est. On part avec 1h de retard. Je prends sur moi, ça aurait pu m’arriver aussi. L’autre passager est insupportable. Il ne parle que de lui, donne trop de conseils, je me contiens. On roule depuis 40 minutes, les conversations ne tournent qu’autour du problème de carte bancaire de la conductrice. Je n’en peux plus. Je m’en contre fou. Je regrette soudain B., que je ne connais pas.
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